Kreator-Gods Of Violence
Note: 7,5/10
Chroniqué par Érik
Phantom antichrist part-2
Cinq années séparent l'excellent Phantom Antichrist de ce nouveau Gods of Violence, au titre évocateur en ces temps sombres. Avec son album précédent, Kreator a su convaincre par une ambition mélodique plus affirmée tout en conservant une hargne néanmoins délivrée de manière beaucoup plus calme qu'à ses début ou lors de son retour vers la reconquête du trône du thrash européen, au début des années 2000. Un peu comme si Kreator s'était enrichi, mais aussi quelque peu adoucie à la fois. Enchaînant les tournées et les festivals en bon groupe professionnel qu'il est devenu à la force du poignet, le quatuor reste le leader européen du style, mené par le charismatique duo fondateur Petrozza / Reil (guitare et chant, batterie) accompagné depuis plusieurs albums maintenant par Yli-Sirniö (guitares, depuis 2001) et Giesler (basse, depuis 1994). Pourtant l'imagerie précédant la sortie de l'album, limite de bon goût, et les deux morceaux plutôt mélodiques dévoilés en avant première pouvaient laisser craindre une baisse qualitative chez les vétérans allemands.
Reprenant la structure et les éléments qui ont fait le succès de Phantom Antichrist, le nouveau Kreator est composé de dix morceaux (comme son prédécesseur) plus une intro martiale d'une minute digne, idéale pour lancer un album avec brio ("Apocalypticon"). Ainsi, tout au long du disque, on retrouvera des refrains soignés, parfois entêtants ("Satan Is Real", "Gods of Violence", "Side By Side"), des couplets mélodiques ou effrénés déclamés par la voix éraillée habituelle de Mille Petrozza et des parties instrumentales fort bien agencées, donnant à chaque morceau son identité. Des passages satisferont également les plus anciens fans (citons le pré-refrain du rapide "World War Now" qui renvoie au déjà entendu sur "Awakening Of The Gods", clin d’œil sans doute involontaire), avec des rythmiques rapide (le très thrash "Army Of Storms", "Side By Side", et surtout l'implacable "Totalitarian Terror", Totalitarian Terror", digne petit frère de "Civilisation Collapse" qu'on bave de voir asséner live) sur des morceaux nerveux joués de manière immédiatement reconnaissable. Le sens du riff "made in Kreator" étant ici encore une fois bien mis en avant au gré de breaks nombreux et à propos (l'efficace "Lion With Eagle Wings"), conférant à l'album entier un aspect abouti, point fort du disque, dans la lignée de Phantom Antichrist. Avec un sequencing comparable à l'album précédent, nous notons ainsi la présence d'un titre final mélodique et aux cavalcades heavy plutôt convenu, un opener qui défrise, et un titre bien plus rapide que le reste du disque ("Totalitarian Terror", donc) sur encore une fois dix morceaux. Mention aussi aux solos réussis de la paire de guitaristes, faisant preuve d'une complémentarité optimale, avec de petites subtilités enrichissant les compositions. Ce peut être anecdotique pour certains, mais le retour à quelques cris arrachés de Petrozza, pas entendus depuis perpette, font bien plaisir et ne sont pas innocents. Aucun risque d'être déçu donc pour les nombreux adeptes du Kreator des années 2000, tant on se situe ici dans une continuité artistique certaine, qualité incluse.
Toutefois, sans réellement dénaturer le style du groupe (certains passages peuvent malgré tout interpeller), les errements plus ou moins réussis des années 90 ayant appris à Mille Petrozza, son principal compositeur qui apprécie d'autres styles musicaux très éloignés de l'univers du groupe, qu'il ne convenait pas de brusquer sa fan-base, il est indéniable que le groupe évolue. Un parti-pris compréhensible et risqué à la fois. Depuis Hordes of Chaos (2009), les harmonies sont de plus en plus présentes, et cet élément est ici encore poussé d'un cran. Il est probable que la tournée avec Arch Enemy ait aussi conduit plus ou moins consciemment le groupe à adopter certaines des caractéristiques typiques du death mélodique (sur le refrain de "Gods of Violence", quelques parties mélodiques ça et là sur les refrains, ou le final de "Death Becomes My Light", divisé en trois parties bien distinctes), qui pourront rebuter les "fans historique". Sans sacrifier à l'agressivité ni à la mélodie (quelques plans auraient très bien pu figurer sur Coma of Souls, telles les 30 premières secondes du virulent "Army Of Storms" au pattern de batterie identique à celui du morceau éponyme de cet album), Kreator s'oriente vers un équilibre entre harmonies et furie héritée de ses jeunes années avec une production propre, comme on l'imagine en 2017 de la part d'un groupe de ce calibre. En essayant d'équilibrer ses deux facettes, le gang a semble t-il trouvé une recette payante, en faisant un grand écart assumé de manière que l'on imagine réfléchie.
Avec un album dont chaque morceau se détache facilement l'un par rapport à l'autre, annihilant tout risque de monotonie malgré une durée supérieure à 52 minutes, Kreator sort, cinq ans après, le petit frère de Phantom Antichrist, en appliquant la même recette. Avec beaucoup de morceaux très réussis, et doté d'une belle unité globale avec une qualité d'écriture équivalente, Gods of Violence enfonce ainsi le clou de son prédécesseur.
Tracklisting:
1- Apocalypticon
2- World War Now
3- Satan Is Real
4- Totalitarian Terror
5- Gods of Violence
6- Army of Storms
7- Hail to the Hordes
8- Lion with Eagle Wings
9- Fallen Brother
10- Side by Side
11- Death Becomes My Light
Label: Nuclear Blast Records
Style: Thrash-Metal
Date de Sortie: 27 Janvier 2017